MESSAGE BIBLIQUE pour l’AVENT

Prédication Matthieu 11/2-11

Es-tu celui qui doit venir ?
Jean-Baptiste n’est pas infaillible… Il doute…


Après avoir dit « celui qui vient après moi est plus puissant que moi, lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu », le voilà qui demande, quelque temps plus tard : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? ».
Que s’est-il passé entre temps ? Où est le problème ?
Premièrement, cette question est tout à fait d’actualité lorsque Matthieu écrit son évangile, aux alentours des années 70. Le débat « Jésus de Nazareth, crucifié et prétendument ressuscité, était-il le Messie ? » bat son plein, et se traduit alors par en division consommée au sein du judaïsme, entre la synagogue et l’Eglise naissante. Une fois les chrétiens exclus de la synagogue, la question prend une dimension stratégique, déterminante, pour l’individu qui doit y répondre. Elle l’est toujours.
Es-tu celui qui doit venir ?
Mais pourquoi Jean-Baptiste se la pose-t-il, cette question ? N’est-il pas l’archétype même du fidèle ? N’est-il pas, par nature même, voué au Christ ?
Dans le premier texte le concernant, nous avons entendu Jean-Baptiste annoncer une venue en puissance, en majesté, l’établissement radical et triomphant du règne des cieux, dans l’Esprit Saint et le feu.
Vous connaissez l’expression : « Les premiers chrétiens attendaient le royaume, et ils ont eu l’Eglise » ; pour Jean-Baptiste, et ses contemporains, on peut dire : ils attendaient le Messie, et ils ont eu Jésus de Nazareth.
Jean-Baptiste est incontestablement fidèl et dévoué. Mais il est fidèle à un ordre ancien ; il attend une manifestation de puissance, majestueuse et irrésistible, la confusion, et le jugement sans appel des infidèles et des corrompus.
Mais sa première rencontre avec Jésus pose déjà problème : il vient vers lui, et lui demande le baptême. Jean-Baptiste est surpris, choqué même, et tout d’abord refuse. Comment ? Le Messie, l’envoyé de Dieu pour le salut d’Israël, demande le baptême de repentance ? Son attente est prise à revers. Jésus ne juge pas la condition humaine ; il entre en solidarité, en fraternité avec la condition humaine.
Ensuite, Jésus va vers les impurs : les lépreux, les malades, les traîtres, les réprouvés ; il pardonne, il guérit, il relève ; sur la montagne, il enseigne à s’opposer au mal par l’amour ; il appelle des disciples parmi des pécheurs, il annonce même des persécutions, des épreuves, une sévère opposition.
Lui-même ne s’en prend d’ailleurs ni aux riches, malhonnêtes ou non, ni aux despotes ; il ne conteste aucun pouvoir, aucune autorité civile ni militaire, pas même celui des Romains, occupant la Judée et la Galilée ; mais il reprend, vivement, cependant ceux-là même du peuple de Dieu qui s’estimaient, non sans raison, garants de la parole et du respect de la loi au sein du peuple élu, et de ce fait autorisés à juger, à condamner.
De plus, les persécutions ne tardent effectivement pas ; Jean-Baptiste est arrêté, il est en prison, apprend-on ici, sans en savoir la raison précise. Et pourtant, il a été fidèle et dévoué au Messie libérateur ! Mais l’injustice peut-elle avoir des raisons ? Et, quelque temps plus tard, il sera même décapité, pour un motif pire qu’inexistant, dérisoire ! Et au moment ou Matthieu écrit son évangile, le Messie a été crucifié, comme un criminel, plusieurs apôtres ont été suppliciés, le temple de Jérusalem a été rasé, le peuple se divise… Rien ne va plus !
Rien de ce qui était attendu ne s’est produit… comme on l’attendait ! Rien de glorieux, au sens de ce qui est glorieux pour le monde. Où est la victoire ? Où est le règne des cieux ? On voit la dispersion, la persécution ; la croix, le supplice comme emblème. Il est ressuscité… Oui, mais où est-il ? Quoi de neuf ? Où est le changement annoncé ? Où est le royaume ?
Il y a bien eu quelques signes, quelques miracles, comme des paraboles donnant à espérer, quelques éclairs témoignant la puissance de l’amour, contre la souffrance, la mort ; mais, en somme, bien peu de choses, pour bien peu de monde…
Le doute de Jean-Baptiste ne nous parle-t-il pas ?
Les aveugles voient à nouveau, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres, lui répond Jésus… Mais n’y a-t-il plus d’aveugles, de pauvres, de malades, de morts ? Comment Jean-Baptiste peut-il entendre cela ? Que voit-il ? Que voient les chrétiens de l’an 80 ? Et que voyons-nous, chrétiens de l’an 2 000 ? N’y a-t-il pas de quoi douter que le Messie soit venu ?
Jean était sans doute déçu et perplexe. Et nous ? Notre foi est-elle sans failles, sans doutes ? Osons-nous témoigner autour de nous que le Messie est venu ? N’attendons-nous pas autre chose ? Un nouveau retour, le fameux retour glorieux de Jésus-Christ, mais alors… vraiment glorieux, cette fois, sans crèche, sans croix… Un vrai changement, un vrai miracle, visible et définitif.
Mais ce que ne cesse de répéter Jésus, c’est que le changement attendu doit se produire en nous, et pas autour de nous ; c’est que l’injustice ne peut être surmontée avec les armes de l’injustice ; c’est que la toute puissance, et la gloire de Dieu, résident dans son amour, l’amour qui réplique à la violence par le don de soi, l’amour qui ne se compromet pas avec l’ordre de la domination, l’amour qui oppose à l’injustice l’espérance.
Celui qui ne s’attache pas à ce qu’il possède, mais à ce qu’il donne, celui-là possède le bien véritable, celui-là est libre ; que peut-on exiger de celui qui donne tout ? Ceci est l’ordre de l’amour, l’appel du Christ, l’ordre de la guérison, de la connaissance véritable, l’ordre du changement, l’ordre de la conversion, de la crainte à l’espérance. Le royaume des cieux, ce n’est pas un ailleurs radical qui tomberait du ciel, c’est une conversion de tous les jours, ici et maintenant ; la venue du règne des cieux se produit chaque jour, dans chaque geste d’amour, dans chaque prière d’espérance, malgré l’évidence.
Le doute de Jean-Baptiste est un encouragement pour nous ; il n’est pas infaillible, pas plus que nous ne le sommes ; l’annonceur fidèle du Christ n’est pas un surhomme, un parfait ; nous ne sommes pas moins dignes que lui de l’appel de Dieu, du service de l’Evangile ; le doute de Jean-Baptiste nous dit que la foi dans le règne des cieux n’est pas une décision qui va de soi, car l’épreuve est forte, et persiste sans relâche ; l’amour exige la patience, la persévérance. Mais c’est dans l’épreuve du monde que s’exprime la véritable dignité, la vocation à l’amour et la liberté, comme cela a été manifesté par le Christ crucifié et ressuscité. Dans l’épreuve, le risque et le doute, c’est la liberté qui se constitue, dans l’amour, dans l’Esprit Saint.
Jean-Baptiste, dit Jésus, est le plus grand de ceux qui sont nés d’une femme ; le plus grand de l’ordre ancien, l’ordre de la servitude, lorsque les hommes se pensaient irrémédiablement indignes de Dieu, tout justes bons à recevoir la colère, ou un miracle. Mais Dieu lui-même est venu naître d’une femme, pour révéler que nous participons avec lui d’une même histoire, l’œuvre éternelle de l’amour ; l’homme n’est pas condamné à mort parce qu’il est né d’une femme, mais appelé à l’éternité parce qu’il est frère du Christ dans l’œuvre de l’amour. Cela s’appelle l’Evangile ; le plus petit de ceux qui acceptent le Christ, est plus grand que le meilleur de ceux qui se résignent à la mort.
Ce n’est pas, ce ne peut pas être simple à croire ; il est plus facile de buter, de chuter sur cet Evangile, que de le recevoir ; sommes-nous nés d’une femme mortelle, ou enfants de l’amour éternel de Dieu ? Sommes-nous héritiers d’une fatalité, ou appelés à la liberté ? Sommes-nous résignés à cause du monde, ou espérons-nous malgré le monde ? Comme pour Jean-Baptiste, il nous est bien difficile de comprendre, et d’accepter que la puissance et la gloire de Dieu se révèlent et se manifestent dans notre faiblesse, dans notre souffrance, afin que le salut de Dieu soit vraiment notre salut.
La question de Jean-Baptiste est la nôtre ; elle n’est pas indigne ni honteuse, cette question, elle est nécessaire ; il est bon de la poser, chaque jour, pour renouveler notre décision. Et le monde a besoin de décision, et de nouveauté. Amen.

pasteur Charles Bossert

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